lundi 12 novembre 2012

grenade

J'ai reçu en cadeau une grenade. Très belle. Mais très dure. Elle n'est pas à maturité, loin s'en faut (sa coque lisse comme moulée pour la paume, la place du pouce et des doigts, la compacité de la pierre, la complicité de l'arme à main). Elle était belle, la fleur rouge, il y a des mois. L'homme n'a pas attendu, il ne sait pas l'éclatement léger des alvéoles rouges, le frétillement juteux, la grenade qui se casse d'elle-même sous la poussée de sa fraîcheur fougueuse.
L'homme m'avait déjà offert un marron. C'est son habitude d'offrir le premier marron tombé, chaque été. Il aime faire des cadeaux simples, inattendus.


Je vois l'arme dans ses cadeaux – où lui-même ne l'a pas vue – on peut tout, ou presque, voir dans tout, rien n'est vraiment séparé d'autre chose – plus ou moins proche, seulement. Je m'avise opportunément de voir l'arme dans ces cadeaux passés, cela me procure un petit plaisir de revanche car (dans le cours de notre relation professionnelle) il vient de me faire une vacherie – d'ailleurs un peu provoquée par moi.
Les choses, de même que les mots, sont notre lot. Ils nous servent à établir, à fuir, à chercher, à analyser, à comprendre... la relation.
Ils sont le prolongement de nos mains.
Elle, elle est visiblement faite pour se caler dans la main, prendre appui entre les doigts, qu'elle tient serrés contre elle dans ses creux ergonomiques. Elle emmagasine ainsi toute l'énergie de projectile lancé à toute volée contre sa cible.
Que faire avec cette violence.
Il est évident qu'elle est plus marquée de tous les côtés qu'une tête de boxeur, aussi imprimée, scarifiée, brunie, brûlée, noircie, verdie, enfoncée, bosselée, tuméfiée, raidie qu'une tête de bouc émissaire sur laquelle toutes les agressions du monde ont été perpétrées.
Que faire ? J'ai ça chez moi. Chez moi. Comprenez-moi. Chez moi l'homme parmi les hommes. Ça, cette chose et ces mots.

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