lundi 27 février 2023

Mains


Croisées, frottées, leur bruit incessant de vagues.
Tu te tournes les pouces, tu te tournes les poignets, tu te frottes les coudes pour apaiser l'impatience du corps résonant.
Quand tu deviens âgé, tu sens que les mains recueillent la fleur invisible qui fait surface, et s'engourdissent.

Mains coquilles, avant-bras, épaules, côtes-cage, hanches, squelette, à l'aide des mots tu lèves ce corps le matin. Puis fais l'eau ruisseler et l'inavouable bonheur du savon d'Alep mousser, blanc de paix légère, sur tout le corps. Le corps d'Alep qui n'est plus, les corps d'Alepiens écrasés à tout jamais, squelettes broyés.

Mains coquilles pour ne pas entendre la mort à l’œuvre. Mains qui cherchent le vivant par mille brindilles. Mains qui lisent dans la nuit, dans les couleurs des corps, jusque dans les forêts. Mains qui aiment conter les mots sous leurs doigts.

Mains feuilles d'arbres, mains petits pieds d'oiseaux, mains tentacules et nageoires, pinceaux, argiles, caresses, mains de tant de promesses.

Tableau de Jean Arp, 1925

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